Le temps
(limité) de militer.
Laurie-Jeanne
Merci pour votre lettre et votre courage.
Je ressens plusieurs choses, certaines inconfortables, par rapport à l’école.
C’est par l’école que j’ai commencé à m’impliquer dans les mouvements étudiants. L’école m’a permis de faire des rencontres militantes importantes. Par contre, l’école m’a toujours demandé la plus grosse partie de mon temps et de mon énergie, souvent pour des cours qui ne me permettent finalement pas d’acquérir les connaissances qui m’intéressent vraiment ou de répondre aux questions les plus importantes pour moi.
Je suis restée parce que la reconnaissance scolaire reste une des valorisations sociales les plus importantes (m’en éloigner fait peur).
Je suis restée parce que je sais que lâcher l’école, c’est reconnaitre que les crises de la société dans laquelle je vis, dont la crise climatique, sont là, dans ma face, et que je ne peux plus fermer les yeux. En tant que personne blanche privilégiée financièrement, l’école est peut-être une excuse pour ne pas consacrer toutes mes ressources aux mouvements auxquels je crois. C’est effectivement beaucoup plus facile de soutenir des causes de loin que de s’engager pleinement dans l’organisation militante. Lâcher l’école fait crissement peur.
Est-ce que l’université me permet de développer des outils qui peuvent contribuer aux mouvements pour la justice sociale? Oui, mais au travers d’un cadre académique centré sur l’industrie, le capitalisme et la productivité. J’étudie en cinéma et c’est un privilège de sentir que j’ai un certain espace pour expérimenter avec les manières dont l’art peut contribuer aux mouvements politiques. Je suis aussi très reconnaissante des relations que j’ai pu y bâtir. Toutefois, j’abonde dans le même sens que votre lettre dans le fait que d’étudier à temps plein et suivre un cheminement scolaire dit « normal » m’empêche essentiellement de m’impliquer. Je crois que certains aspects de l’école me nourrissent dans mes réflexions, mes discours et mes manières de les partager. Ce qui est problématique c’est que pendant huit mois, je ne doive vivre que pour ça. Et ce n’est même pas comme si je pouvais consacrer les quatre mois restants aux initiatives auxquelles je voudrais prendre part, parce que je dois ensuite travailler à temps plein pour payer toutes les dépenses accumulées durant l’année (parce que l’école est encore loin d’être gratuite!).
C’est un rythme insoutenable auquel je veux arrêter de contribuer.
Ainsi, dès la session prochaine, je vais réduire ma charge de cours pour étudier à temps partiel.
Parce que consacrer moins de temps et d’énergie à l’école c’est me permettre de m’investir dans des projets qui font réellement du sens pour moi et dans des relations transformatrices.